Les échantillons doivent eux aussi s’adapter aux attentes en matière d’écoconception, d’impact environnemental et au développement du e-commerce. Un challenge pour les fournisseurs.
En boutique ou à distance, l’échantillon est le premier contact avec le produit. En parfumerie, « 94 % du choix d’un parfum se fait par la fragrance », affirme Maxime Caffon, cofondateur d’ID Scent. Mais il n’échappe pas à l’exigence du consommateur, attentif à l’usage des matériaux, à l’empreinte carbone et à son devenir une fois utilisée. « Les marques attendent une démarche environnementale, mais chacune exprime des priorités différentes », témoigne Isabelle Louis, directrice marketing d’Arcade Beauty. Les fournisseurs traduisent ces exigences dans le choix des matériaux. La préférence va ainsi aux matières recyclées. Par exemple, pour ses touches parfumées, PO Groupe [5,6] utilise du papier imprimé biosourcé composé à 100 % de cellulose dont 11 % est ensuite recyclable. Livcer, de son côté, fait varier la part de matériaux recyclés entre 30 % et 70 %. « Nous avons réussi à stabiliser la couleur des matériaux recyclés », se réjouit Aude de Livonnière, directrice de Livcer. Car l’utilisation de plastique biosourcé ou de papier recyclé se heurte à des limites techniques majeures. Les vernis et les couleurs de leur vie antérieure qu’ils conservent en partie altèrent la restitution olfactive du nouveau produit. Même constat pour les encres. « Celles basées sur des pigments naturels sont encore en cours de développement, car en plus d’être couteuses, elles altèrent le rendu olfactif et visuel du produit », affirme Maxime Caffon. Alors à défaut de concevoir des échantillons en matériaux complètement recyclés, les industriels travaillent à les rendre recyclables. Ils proposent des échantillons en mono matériau comme les doses cassables de Livcer [4] ou le sachet mono matériau en polypropylène d’Arcade Beauty. Sinon, les pièces sont assemblées de façon à être détachables aisément pour simplifier le tri. « Pour les enveloppes qui contiennent les touches parfumées, composées à 90 % de carte graphique, nous avons besoin de conserver le film de pelliculage plastique (< à 10%) car il a une propriété de barrière fonctionnelle. Nous avons alors travaillé à le rendre facilement séparable pour permettre une bonne recyclabilité », explique Benoît Frassaint, CEO de PO Groupe. Autre point sur lequel jouer pour diminuer les matériaux à recycler : réduire le poids du produit. « En allégeant les films de pelliculage et en diminuant l’épaisseur de nos échantillons de 15 %, nous limitons la quantité de plastique utilisée », explique Benoît Frassaint. Et cela permet d’améliorer l’empreinte carbone au niveau de la fabrication et du transport. Même constat pour Arcade Beauty qui travaille ses thermoformés pour qu’à dosage équivalent, ils soient plus légers [1].
Presse magazine versus digital sampling
Alors que le réseau de distribution principal des échantillons, soit la diffusion presse magazine, est en recul de 5 % par an selon Benoît Frassaint, CEO de PO Groupe, les fournisseurs s’adaptent aux nouveaux modes de consommation comme les achats en ligne. Le digital sampling consiste à envoyer par voie postale des échantillons aux consommateurs. Ils en auront fait la demande sur les réseaux sociaux, sur un site d’e-commerce ou sur une marketplace par exemple. « Le secteur du parfum est très demandeur de ce genre de solutions car elles permettent une distribution mieux ciblée, une meilleure connaissance du client final et facilitent la mesure du ROI », précise Philippe Ughetto, Senior Vice President d’Orlandi. Facilité par le format papier, les touches parfumées sont les meilleurs médias. Mais Arcade Beauty propose aussi des sprays, des sachets thermoformés, des tatouages parfumés, du papier à brûler… Cette méthode permet aussi une récolte de données clients, en amont et en aval de l’envoi, afin de mesurer l’impact du produit sur la décision d’achat du consommateur. Avec un « coût-contact » plus élevé, « la presse reste encore moins cher que le digital sampling, mais c’est une tendance qui va s’inverser », assure Benoît Frassaint.
Prolonger l’expérience
Outre les matériaux, les fournisseurs repensent l’usage de leurs échantillons en limitant le gaspillage et en favorisant l’utilisation multiple et durable. « Le sachet V Shape [3] permet de restituer toute la matière contenue dans l’échantillon par une action mécanique », décrit Philippe Ughetto, Senior Vice President d’Orlandi. Ainsi le consommateur ouvre le produit au milieu et par pression des deux côtés parvient à tout extraire. Pour augmenter le nombre d’utilisation, Livcer propose des doses refermables. Avec un système de bouchon, l’échantillon de fond de teint, de crème ou de lotion est conservable. « On ne parle plus de dose à usage unique », précise Aude de Livonnière. Devenu durable dans le temps, l’échantillon est en quelque sorte un « cadeau » et plus seulement un support éphémère pour tester le produit. Il devient un objet qui se garde et se partage. Il doit donc être plus qualitatif. Pour lui donner cet aspect premium, on multiplie les formats, les décors, les finitions… afin de rendre l’échantillons attractifs. Présentés sous forme de touches ou de cartes parfumés, l’échantillon est soit seul, soit fourni dans une enveloppe. Il peut être imprimé ou embossés pour enrichir son rendu. L’échantillon a aussi un double emploi, celui d’être un objet que le consommateur garde, soit pour le ressentir plus tard, pour en faire part à son entourage ou pour son intérêt esthétique. « Les touches parfumées conditionnées sous enveloppe permettent de conserver la qualité de la fragrance pendant six mois à un an », rajoute Benoît Frassaint qui développe des cartes et des enveloppes à l’effigie des marques. De son côté, ID Scent a mis en place une technologie de microencapsulation, Scent Touch, qui diffuse le parfum uniquement lorsque la touche parfumée est frottée. Présenté sous forme de flacons en papier, il est ouvrable et dévoile un applicateur de parfum. De plus, comme la solution ne compte pas d’alcool dans sa formulation, il permet un « rendu peau » immédiat. « L’échantillon est devenu utile », précise Maxime Caffon qui développe aussi des produits sous la forme d’objets comme des marques pages pour Roger & Gallet [2] (L’Oréal Cosmétique Active) ou des diffuseurs pour textile pour soutenir le lancement de Gentleman Only de Givenchy [7] (LVMH).
Anaïs Engler