La vente de parfum est au cœur des enjeux d’un point de vente, mais aussi de la relation client. Elle répond à un subtil équilibre entre questionnement, discrétion et offre de services. Mise au point de professionnels.
Faire entrer la(e) client(e) dans l’univers du luxe
«Acheter un parfum, c’est une porte d’entrée vers le luxe, une manière de concrétiser un rêve : il faut donc se mettre au service du client en lui offrant une prestation de qualité complète, prévient Sandrine Pozol-Bargueden, directrice de la formation Parfums L’Oréal Luxe. Parler de parfums, c’est comme parler de bons thés, de beaux livres ou de grands vins.» C’est pourquoi cette vente répond à des codes complexes. «L’exigence des clients nous engage à nous montrer toujours plus investis dans la qualité d’écoute», insiste Fabrice Obenans, directeur marketing de Marionnaud. L’approche n’est pas la même que pour le maquillage ou les soins, confirme Valérie Boss, directrice de la formation et des instituts Yves Rocher : «Parler du parfum, c’est s’aventurer dans l’abstrait, dans le subjectif. Cela fait appel à la mémoire, à l’évocation. Il faut trouver les bons mots pour emmener le client dans un voyage émotionnel. Bref, c’est tout un art !».
Savoir décrypter ses goûts et son profil émotionnel
Pour Françoise Bobée, directrice du centre de formation continue Ema Sup (Paris), la conseillère doit faire preuve d’ouverture d’esprit afin d’identifier rapidement si le client a besoin d’une vraie prise en charge ou au contraire, d’autonomie. «Il s’agit d’essayer de cerner sa personnalité, ses émotions, ses attentes vis-à-vis du parfum et évidemment, ses habitudes et ses sensibilités olfactives», souligne Fabrice Obenans. La conseillère doit d’abord s’enquérir des préférences de son interlocuteur. «Deux mots clés : êtes-vous plutôt attiré(e) par des parfums légers, comme les hespéridés ou les floraux, ou plus intenses, comme les orientaux ou les boisés ?», explique Valérie Boss. Sandrine Pozol-Bargueden conseille de poser des questions «simples et efficaces», du type, «Parlez-moi d’un parfum que vous portez ou que vous avez aimé porter.» «Cela nous aide à préciser les goûts de la personne et à reformuler ce qu’elle aime, pour lui proposer des jus dans le même esprit», dit-elle.
Bien décrire la fragrance
Il faut faire découvrir le parfum avec des adjectifs évocateurs : est-ce plutôt la féminité, le côté tendance, le côté pétillant qui lui plaît ? Lui demander aussi ce qui lui déplaît. «Chez Yves Rocher, nous construisons notre discours autour des belles matières premières naturelles, par exemple la Centifolia, ou Rose de mai, que nous sublimons grâce au travail des plus grands nez», souligne Valérie Boss. Mais il faut résister à l’envie de tout dire. «Citer un accord principal et trois mots clés du parfum est suffisant au départ, considère Sandrine Pozol-Bargueden. Si la cliente est réceptive, alors démarre l’initiation, avec un discours plus riche.» Sans oublier de mettre en valeur le flacon, objet de luxe à part entière, «non seulement par les mots, mais aussi par une gestuelle élégante», précise Françoise Bobée. La difficulté consister à rester dans la subtilité. Valérie Boss estime ainsi qu’il faut éviter deux formulations : «”C’est nouveau”. Ce que les clients recherchent, c’est qu’on leur parle d’eux. Mais aussi : “C’est frais”, une expression fourre-tout qui banalise le travail du parfumeur.»
Proposer au moins deux créations
La notion de service passe par la proposition d’au moins deux parfums, afin que le client ait toujours une alternative. «Mais il faut prendre soin de limiter le choix à trois jus : au-delà, le conseil n’est plus personnalisé et le client est perdu», prévient Françoise Bobée. «Rien ne nous empêche de tenter aussi d’orienter la personne qui sait exactement ce qu’elle veut vers une senteur voisine en termes de sensibilité olfactive et d’histoire afin de lui proposer une nouvelle découverte», note Fabrice Obenans. Même logique chez Sandrine Pozol-Bargueden : «Apportez le type de fragrance qui s’accorde le mieux avec ce que le client aime, puis une autre dans le même style (de préférence une nouveauté) mais avec un détail ou un ingrédient original qui peut le surprendre. Le succès est souvent au rendez-vous !». Et il peut se confirmer avec une vente complémentaire, en proposant des produits prolongateurs du sillage : lait parfumé, gel douche, déodorant… sans oublier les formats 30 ml face à un consommateur attentif à son budget.
Faire découvrir le parfum
Evidemment, il faut le faire tester. «Prévoir une touche à sentir, sur laquelle on aura noté le nom du parfum assorti d’un mot-clé et de deux notes principales», explique Sandrine Pozol-Bargueden. L’échantillon est aussi un outil efficace car il permet de renforcer le lien avec le client, que celui-ci achète ou non le produit. Quant au parfumage, il convient de le faire à bon escient. Valérie Boss précise que «certaines femmes n’aiment pas être parfumées. Il faut donc faire preuve de délicatesse et de discrétion». Et y associer une gestuelle, un cérémonial soignés. «Le réflexe du parfumage, marque de la parfumerie sélective, doit être systématique en fin de parcours», ajoute Fabrice Obenans.
Soigner autant la sortie que l’accueil
«On est souvent plus attentifs aux premiers mots qu’aux derniers, or ceux-ci sont aussi importants», souligne Françoise Bobée. De l’accueil au départ du client, le service doit être irréprochable, le sourire au rendez-vous. Sans oublier l’incontournable remise de doses d’essai, même en l’absence d’achat. Le parfum est au cœur de l’activité des enseignes. «Il représente plus de 65% du chiffre d’affaires d’une parfumerie, sa vente se doit d’être réussie», poursuit Francoise Bobée. «C’est un élément stratégique dans la construction de notre image de marque», note Valérie Boss. Autant d’arguments pour soigner la vente du début à la fin.